dimanche 31 janvier 2010

Témoignages transmis par Emeraude GOIMBERT, collaboratrice très proche de Francine

Nous avons choisi volontairement d’abréger les noms


Bonjour Line et Lucien, Christine et Hervé, Maryline et toute l’équipe de l’EPI France
Je vous remercie pour vos messages et vos prières de foi. Merci pour vos inquiétudes! Je vous donne quelques témoignages de certaines personnes de ma famille et moi, par rapport à la tragédie qui fait la une actuellement.


Je n’écris pas tous les détails, car c’est très long. D'abord, je remercie mon Dieu pour tout ce qu'il a fait. Il ne cessera d'être fidèle et juste envers tous ses enfants, Il fait ce qu'Il veut. Si je suis en vie, ce n'est pas parce que je suis meilleure que les autres, mais parce qu'Il a ses raisons pour ça. J’habitais avec des cousines à Port au Prince, mais j’ai été aux Gonaïves au moment des fêtes de fin d’année, avant le séisme. En tant qu’humain, je suis encore sous le choc, car les gens avec qui je vivais tous les jours depuis quelques temps, sont morts sous les décombres. J'ai perdu des membres de ma famille et mes affaires personnelles, mais je suis en vie. Une seule de mes cousines qu'on a pu sortir des décombres saine et sauve. Ensuite, j'ai failli perdre mon neveu K.. Il a 12 ans, il a vécu sept ans au pensionnat. (sept 2001-juin 2008). On l'a sorti des décombres de chez ses parents 16 heures après le premier séisme. Tous ceux qui étaient avec lui dans la maison à ce moment là, sont morts quelques heures avant qu'on vienne le chercher. Ils étaient 4 et K. est le seul survivant. Le jour où on l'a sorti des décombres, mercredi 13 janvier, était le jour de son anniversaire. QUEL BEAU CADEAU!

Dans la plupart des maisons, le nombre de morts est souvent plus élevé que le nombre de survivants.

Témoignage de mon frère L., le père de K.: « Au moment oú le séisme a commencé, je sortais du travail et j'étais en route pour venir chez moi. Une voiture qui arrivait derrière, a dépassé la mienne, ce qui m'a obligé de ralentir. quelques secondes plus tard, un mur lui est tombé dessus et elle est complètement écrasée. (Je parle de celle qui a dépassé). Dieu m'a sauvé. Arrivant vers la maison, elle est rasée et on ne pouvait imaginer que la dessous, quelqu’un avait la chance de survivre. C’était le silence total. J’ai cru que mon fils était mort. On a passé la nuit à pleurer ma femme et moi, en plus, il y avait d'autres répliques assez fortes, on entendait des pleurs, des cris de douleur,… on était angoissé. Le lendemain matin, on a fait passer le message à toute la famille qu'on avait perdu notre fils. Quelques heures plus tard, quelqu'un m'a dit qu'il a vu K. dans un centre de santé. Avec ma femme, on est parti en courant pour le chercher. J'ai failli ne pas reconnaître mon fils avec sa tête trouée à plusieurs endroits, son visage gonflé, oreille arrachée, jambe cassée, il souffrait énormément. Là où il était, c'était impossible d'avoir les premiers soins, car le seul médecin qui était sur place n'avait aucun matériel. Tout était sous les décombres. De mercredi à vendredi soir, j'ai erré dans les rues de Port au prince pour trouver un hôpital, mais on n'en trouvait pas et ça allait de mal en pis. On se sentait impuissants, déboussolés… Samedi, Dieu nous a envoyé un bon samaritain qui a pris K. dans sa voiture et l'a emmené dans un centre de secours où il a été opéré par des chirurgiens russes qui venaient d'arriver. Tout s'est bien passé, il est resté seulement deux jours, car on avait besoin de la place pour d'autres patients. Donc, pour éviter que je sois dans la rue avec lui, quelqu'un m'a prêté un petit coin de chez lui pour qu'on puisse dormir. Pour l'instant, j'ai rendez avec lui tous les jours à l'hôpital, pour contrôles et pansements. J'ai perdu ma maison et son contenu, j'ai perdu tous ceux qui nous servaient de compagnons précieux, (mon beau-frère et deux jumelles), mais Dieu m'a fait grâce. Il a gardé mon fils en vie. Á un moment donné, je le regardais et je pleurais, il m'a regardé et m'a dit. Papa! Pourquoi pleures-tu? Dieu m'a sauvé! C'est à ce moment qu'il m'a raconté comment ça s'est passé. »

Témoignage de K. mon neveu: « Quand la maison a commencé à secouer, j'étais dans ma chambre, je ne comprenais pas ce qui se passait, je me suis accroché à un poteau. Au salon, il y avait deux jumelles de 22 ans, Gina et Ginette. Ginette était ma nounou. Je la voyais tous les jours depuis que j'étais bébé. (à l'exception des années que j'ai passées au pensionnat). Il y avait aussi mon oncle maternel, Garry, ils regardaient tous la télé. Les jumelles ont essayé de me rejoindre dans la chambre, mais elles n'ont pas eu le temps d'y arriver. Elles sont très vite tombées. mon oncle a essayé de sauter depuis la terrasse, on était à l'étage, mais un mur lui est tombé dessus et il s'est trouvé coincé entre deux murs. On se communiquait tous pour savoir comment chacun allait. Á un moment donné, mon oncle Garry nous a dit: Si vous ne m'entendez plus, sachez que je ne suis plus avec vous. Ensuite, les jumelles essayaient de me parler de temps en temps et ont dit pareil quand elles n'en pouvaient plus. Celle qui m'a tenu compagnie plus longtemps était Ginette, ma nounou. Avant de mourir, elle m'a dit: K. est-ce que tu es encore là? j'ai dit oui! Elle m'a dit: tu es bientôt seul. Je sens que je vais te laisser. Quelques minutes plus tard, je ne l'entendais plus. Je croyais que c'était la fin du monde et je criais DIEU, SAUVE MOI! Si les autres sont morts: pourquoi je suis là tout seul ? Je ne savais s’il faisait jour ou nuit. J'ai vu quelqu'un de masqué, avec des gants, venir me sortir des décombres et m'a déposé quelque part. Je n'ai pas pu voir qui c'était, je n’ai pas pu lui parler non plus. Je suis reconnaissant envers Dieu, parce qu'il m'a sauvé et je veux lui donner ma vie!

Témoignage de mon frère J-R: « Je n'ai pas grand-chose à dire, car mes enfants sont aux Gonaïves. J'étais à l'étage, je regardais la télé, il y avait une amie dans la maison. J'ai juste entendu un bruit, au moment où je me suis levé pour voir ce que c'était, la maison s'est mise à secouer de manière violente, je suis parti en courant vers l'escalier, mais il n’y avait plus de rez-de-chaussée et je ne voyais où mettre les pieds, j'ai dit à la dame: on va mourir! Elle a répondu: non! Allons-y! On est passé par derrière et on a sauté quelques secondes plus tard, la maison est tombée. On est maintenant dans la rue, on a tout perdu, mais Dieu nous a sauvé la vie. »

Pour finir,
Témoignage de ma cousine S: « J'habitais dans l’apt. 3 d’un immeuble de 16 appartements. on n'a pas eu le temps de courir. Tous ceux qui sont partis en courant sont morts, car d'un seul coup, l'immeuble a sauté, ça donnait l'impression d'être sur un ballon, ensuite, j'ai vu ma maman, ma sœur, la servante, mon cousin et d'autres personnes courir, moi je suis restée sous l'encadrement de la porte de la chambre de maman, pensant que ça n'allait pas durer et que j'allais sortir. Tout à coup, j'ai vu tomber tous les meubles, le plafond en béton qui me descendait dessus avec les autres étages. Très rapidement, j'étais sous les décombres, j'entendais les voisins, petits et grands, parents et enfants, des bébés, jeunes et vieux, tous criaient au secours. J'avais mon filleul dans les bras, il s'appelle D., il a 5 ans. Il n'arrêtait pas de me demander quand est ce qu'on sort de là? Je lui disais: Jésus viendra nous chercher. on priait ensemble. Il était impatient de voir Jésus arriver. 20 heures plus tard, Dieu nous a envoyé des gens pour nous sortir de ce cauchemar. J'ai perdu ma mère, ma seule sœur, mon cousin, et d'autres habitués de la maison. Les voisins qui criaient sont aussi morts. Je ne peux dire tous les détails, ça serait trop long et douloureux. Je ne peux vous cacher que ça va très mal pour moi. J'ai encore du mal à croire que je n'ai pas rêvé. . Mais, Dieu est grand, Il est bon. Que tout ce qui respire Le loue!… »

Il y a tant d'autres témoignages que vous avez déjà lu sur internet, ou vu à la télé
Que Dieu vous bénisse abondamment!
Je vous embrasse fort!


Recueillis et transmis le 26 janvier 2010




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